Le dîner informel des Chefs d'État et de gouvernement de la zone Euro du 23 mai dernier me semble plus intéressant qu'il n'y a paru. Les journalistes étaient à l'affût pour commenter les premiers pas européens de François Hollande et à la recherche de tout signe sur la Grèce. Mais ce dîner n'était pas un Conseil, il venait en préparation du Conseil des 28 et 29 juin, et ce qu'il annonce n'est pas mauvais.
Ce qui se dessine aujourd'hui, et ce dîner informel en témoigne, et la mise en place d'une meilleure gouvernance dans un autre domaine, celui de la croissance. Les lecteurs assidus de ce blog savent combien je peste contre cette Europe qui n'a cessé de faire semblant, qui s'est discréditée par tous ces agendas si bruyamment orchestrés mais si peu réalisés. Vous vous souvenez de cette Stratégie de Lisbonne qui de 2000 à 2010 aurait dû faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive au monde, ou dernièrement de cet Agenda 2020, resté lui aussi lettre morte. L'intérêt de ce dîner est de se replacer dans le cadre de l'Agenda 2020 et de poser la question, comment peut-on enfin être sérieux et efficace avec cet agenda?
Et là les convives ont raison, pas besoin de se lancer dans de nouvelles élucubrations métaphysiques, le projet de croissance de l'Europe existe déjà, il suffit de l'appliquer, de débloquer enfin des crédits déjà alloués et de donner à la Commission autorité et donc responsabilité sur ce projet déjà existant. En fait une petite révolution, aussi déterminante que celle qui vient de donner le pouvoir à la Commission dans le contrôler des finances publiques des États.
Je ne suis pas mécontent que madame Merkel maintienne la pression sur les finances publiques, il serait catastrophique de se relancer dans de nouveaux programmes d'endettement pour quelques vains feux de paille. Mais attention l'agenda 2020 n'est pas un feu de paille, et ne parle pas que de dépenses, il a son volet de réformes structurelles.
Je suis très content que François Hollande insiste sur les Eurobonds, et j'espère que quelques Project Bonds verront le jour. Ce sera une autre révolution importante en Europe, mutualisation d'une dette et de nouveau démarche positive sur des projets communs. Symbole nécessaire à un moment où le troupeau européen a un peu perdu la boussole. Mais attention, pas question de se lancer dans un mega plan de relance qui ne ferait qu'ajouter de la dette à de la dette. Par contre il est important de planter des symboles.
Beaucoup plus important : s'il ne faut donc pas ajouter de la dette, on peut néanmoins échanger de la dette, sans avoir d'augmentation du niveau général d'endettement en Europe. Et là les Eurobonds peuvent jouer un rôle fondamental dans la sortie de crise.
Il faut mettre l'Europe via les Eurobonds entre la Grèce et les marchés. En clair, utiliser les Eurobonds pour refinancer la partie des dettes grecque, espagnole et portugaise qui font dépasser ces pays le ratio de 60% dette/PNB. Ratio que l'Europe n'a pas su faire respecter et donc pour lequel elle doit aussi assumer ses manquements passés. Refinancement européen de cette dette, à haut moins 50 ans, aux taux européens. Donc formidable bulle d'oxygène donnée à ces pays, donc formidable cadeau donné à l'Europe toute entière, geste de solidarité et de maturité qui redonnerait définitivement confiance aux marchés. Et sans faire aucun cadeau si ce n'est la durée et le taux, ces trois pays devraient toujours rembourser leurs dettes. Mais à l'Europe et à l'abri de la pression des marchés. Ce qu'ont fait le FMI et l'Europe jusqu'à présent c'est financer la Gréce pour que la Gréce puisse payer ses créanciers. Il faut que l'Europe rachète cette dette et devienne le seul créancier de la Gréce, l'Europe se refinançant via les Eurobonds pour se faire.
Ce serait une pierre extrêmement importante dans la construction d'une Europe plus responsable et donc plus fédérale. Il faut commencer à en parler sérieusement, c'est le seul moyen de garder notre famille unie et solide.
Monti, Draghi, Hollande, l'horizon politique européen se dégage quelque peu ces jours-ci... Et puis à tous mes amis sarkozyste qui n'ont pas encore séché leurs larmes de crocodile, réjouissez-vous, vous avez-vu dans le FT cette semaine? Les taux sur la dette françaises n'ont jamais été aussi bas. Fantastic isn't it?
Foi et Courage.
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